Nadine, un peu de La fontaine...
Il est passé par ici, il repassera peut-être par là….
Il était une fois, dans un pays pas si lointain, un petit rat
Qui se prenait pour un Roi.
Un jour, il convia tous les rats communs à une conférence
Pour une affaire d’une extrême importance :
Son Couronnement.
Car il fallait bien qu’il eût sa couronne… officiellement !
Tous les manants du royaume furent invités.
Or, voilà que, malgré toutes ses promesses,
Personne ne vint assister à cette messe….
Notre petit Rat Roi et sa Cour durent en leur maison
Tout penauds, s’en retourner. Quelle déception !
Lui qui, de si longues années durant, avait gratifié d’offrandes royales
Sa cour, disant que c’était pour l’intérêt général….
Lui qui n’avait pas craint de se prosterner, afin que sa cour rapprochée
Et lui-même puissent avoir toute la Notoriété,
Tous les Avantages, tous les Privilèges dus à leur rang….
Vraiment, il ne comprenait pas cette désertion, cet abandon, cette trahison !
Il en avait le rouge au front !
Il allait réagir rapidement. Mais que faire ? Le grand jour approchant,
Il n’avait plus aucun moyen de faire bonne impression,
Ni même de temps pour inventer une nouvelle chanson.
Et si sa couronne rêvée, de couronne
De pierres précieuses et d’or, si près du trône,
En couronne d’épines se transformait… Il fut pris d’effroi.
En effet, des ogres, des êtres grotesques et sournois,
Des chipies, des harpies, des mégères,
Des individus ignorants des bonnes manières,
Menaçaient de lui ravir son sceptre avec tous ses privilèges !
Il jaugea tout de suite leur vilain manège.
Il ne dormit pas de la nuit,
Peut-être était-il trop tard ? Peut-être n’avait-t-il pas suffisamment caressé, flatté, amadoué
Ses congénères.... Peut-être ne les avait-il pas assez écoutés,
Tant, dans sa tour d’ivoire, il s’était retiré.
Petit rat des champs, devenu maître en manœuvres habiles,
Ruses folles et stratagèmes futés, il était devenu rat-roi de la ville.
Il se rongeait les sangs. La nuit ne lui portant pas conseil, il dut se résigner
Et attendre …. Et s’il n’était plus Roi, demain ?
Que pourrait-il faire ! La sagesse eût voulu qu’il redevînt
Un tout petit rat commun…
Impossible… La peur le tenaillait,
Et, dans son lit, sans cesse, il se retournait.
Mais, surprise ! Le jour du couronnement, le peuple ratier soumis,
- La mort dans l’âme pour une infime partie-
S’était laissé conter que le royaume serait perdu
Sans son souverain de toujours : il serait même fichu !
Sans trembler, sans état d’âme, tant il s’était habitué,
Il se prosterna une nouvelle fois. Comme jadis Jason,
Il avait encore conquis sa toison :
Sa couronne, il l’avait gagnée !
Pourtant une petite troupe de rates et de rats
Communs et impertinents, avaient osé ne pas faire cas
De sa Majesté … Pensez : pleins d’audace, ils s’étaient permis
De proposer une autre économie en ce pays…
Eh quoi, ils voulaient se passer,
De Cour, de Privilèges… de Monarchie ?
Quelle utopie !
Hélas, le peuple soumis, pendant de longues années
Avait appris à servir sans broncher.
Même si parfois en aparté - juste en aparté - il grognait,
Critiquait, protestait s’insurgeait, se révoltait :
Que voulez-vous qu’il arrivât ?
Ce nouveau dessein l’effraya.
Basculer dans l’inconnu, affronter un destin à construire
Ensemble ! C’était impossible, c’était trop dur.
Non, Non ils ne pouvaient remettre les clés du royaume
A ces trublions, ces insoumis, ces manants, ces drôles !
De plus, ils n’étaient pas, pour la plupart, de ce royaume natifs !
D’où venaient-ils ? On l’ignorait….
Il fallait se méfier…
De ces escogriffes…
Tant et si bien que le petit rat fut sacré Roi :
Il eut sa couronne sur une très grosse tête cette fois.
Nadine,
Causse et Diège, le 19/03/2020
*Toute ressemblance avec des personnes existantes serait purement fortuite
« Ce qu'on appelle "sagesse" n'est au fond qu'une perpétuelle "réflexion faite", c'est-à-dire la non action comme premier mouvement. »
Emil Michel Cioran
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